Peindre et dessiner devant la télé

Au début, c'était sérieux. Je voulais faire de l'art comme les grands artistes contemporains. Alors j'ai cherché des problématiques, des émotions brutes, tourmentées, pour exprimer toute ma douleur. Mais malheureusement pour moi, je ne souffre pas. Ma vie n'est pas un film. C'est juste tout ce qu'il y a de plus ordinaire.

J'ai alors compris que je ne serai jamais Bacon. Je ne serai pas non plus Rauschenberg ou Rothko... et c'est pas grave. J'ai essayé d'être sensible, de capter le monde d'une autre façon pour le montrer tout neuf. Mais je n'y arrive pas. C'est trop dur d'être artiste, il n'y a jamais de repos.

Donc, au début, c'était sérieux. Et puis j'ai fini par me calmer. J'ai même arrêté de peindre et de dessiner pendant un certain temps. Pour me mettre à l'écriture. J'ai d'abord fais des poèmes. Et puis j'ai écris une pièce de théâtre. Mais être écrivain, c'est très dur aussi.

Définitivement, de ce côté-là non plus il n'y avait pas grand chose à tirer.

Au bout du compte, j'ai tout abandonné. Pendant deux semaines. Ne rien créer, ne rien inventer avec mes mains. Ne plus se poser de questions, ne plus chercher d'idées, ne plus avoir peur que ça ne donne rien, ne plus envier ceux qui y arrivent, ne plus aller au musée, ne plus avoir de projets. Etre vide et devant la télé. Zéro activité.

Enfin je pensais avoir trouvé ce qui me convenait. Ne rien faire. Rentrer du travail et s'allonger dans le canapé en attendant l'heure du dîner et puis après, recommencer jusqu'à l'heure d'aller dormir. Un vide tranquille où le cerveau s'encrasse mais qu'est-ce qu'on en a à foutre si ça nous convient comme ça? 

A la télé, y'a des trucs drôles et des trucs tristes. On a des émotions. Parfois on pleure. Ou on explose de rire tellement c'est nul. Ce n'est pas si vide que ça en fait. Alors j'ai pris une feuille et un crayon pour garder tous ces moments magiques de mes séries préférées. Et quand j'en ai eu marre, j'ai regardé mes dessins et j'ai compris que je pouvais peut être faire autre chose que de plier les chaussettes.

Mais c'est fini, je ne réfléchi plus. J'attends que ça vienne. Plus de concepts, de questions et d'hypothèses. Plus question de se tordre le cerveau pour essayer de produire une image intelligente et qui fait réfléchir. A partir de maintenant, je veux la paix.

J'ai pris ma peinture et mes toiles et je n'ai plus rien planifié. Les formes et les couleurs sont apparues au fur et à mesure. Elles sont vides de tout discours, elles sont juste là à essayer de se mettre ensemble pour trouver un équilibre et c'est tout. La télé est toujours allumée. C'est un peu leur deuxième maman...